Empyrium - Duncan Evans - Passionskirche (Kreuzberg) - Berlin - 22/11/2013 - Compte-rendu de concert - Concert review

PASSION
Empyrium joue pour la troisième fois sur scène. L'évènement a lieu à la Passionskirche à Berlin.

Empyrium est un groupe rare. Rare car il a enregistré 4 albums entre 1996 et 2002, tous excellents, puis a décidé d'arrêter. Rare car la compilation sortie en 2006 offrait seulement deux inédits. Rare car depuis sa reformation en 2010, le groupe n'a publié qu'un seul nouveau morceau, "The Days Before the Fall". Rare car la musique d'Empyrium est inclassable, brassant folk, metal et musique classique. Rare car le groupe ne fait que peu d'apparitions scéniques. De fait il s'agit ce soir du troisième concert d'Empyrium (après ceux de Leipzig et de Bochum). Empyrium privilégie le fait de se produire dans des lieux hors du commun. Ainsi ce soir le groupe joue dans le cadre exceptionnel de la Passionskirche ("l'église de la Passion"), église située à Berlin dans le quartier de Kreuzberg (ce qui signifie « Mont de la Croix »).

A Berlin ce 22 novembre la nuit est tombée dès 16h et les nuages sont épais et très bas. C'est donc sous un ciel sombre que nous nous rendons au lieu du concert. Nous avons fait le voyage jusqu'à Berlin en l'agréable compagnie de quatre compatriotes rencontrés au départ de Paris (dont Walran, du groupe Angellore, et sa muse Florianne). Dans la file d'attente devant l'église, nous discutons moi et ma compagne avec un couple de grecs qui est venu d'Athènes pour assister au concert.
Le lieu du concert, la Passionskirche, est une église construite entre 1905 et 1908. L'édifice est beau avec sa façade de briques. L'intérieur est décoré avec simplicité et avec goût. L'église programme régulièrement des concerts variés (rock, jazz, musique classique) ainsi que des lectures et des expositions. L'acoustique est très agréable. Les places sont assises et attribuées à chacun des 400 spectateurs. Nous sommes placés tous les deux à la troisième rangée du côté gauche de la scène.

* Duncan Evans : oiseau de proie
L'anglais Duncan Evans joue des morceaux de son album "Lodestone", sorti le jour même. La musique est dans la tradition scandinave, anglaise et écossaise des "murder ballads", ces ballades qui racontent des histoires de meurtre. Les paroles sont emplies de femmes fatales, de poudre, de balles, de poignard et de potence. L'atmosphère est certes sombre mais elle est traitée avec une grande délicatesse. Ce soir le guitariste-chanteur est accompagné de l'accordéoniste Phil Wilcox. C'est une réussite. L'accordéon souligne à merveille le jeu de guitare acoustique intense et précis de Duncan Evans (l'accordéon remplace la guitare électrique qui tient le rôle d'accompagnateur sur le disque). La voix est émotionnelle et puissante. Les deux hommes jouent un très beau concert, très applaudi.

Voici la vidéo de "Girl on the Hill" de "Duncan Evans" :

* Empyrium : chansons de landes et de champs brumeux
Empyrium est composé de deux personnes, Ulf Theodor Schwadorf et Thomas Helm. Sur disque, ces deux multi-intrumentistes élaborent, jouent et chantent la musique du groupe. Pour restituer sur scène toute la complexité des albums, les deux hommes ont convoqué des musiciens choisis pour leur aptitude à saisir l'essence de la musique d'Empyrium. Les musiciens sont Allen B. Konstanz (The Vision Bleak) à la batterie, Neige (Alcest) aux guitares, Eviga (Dornenreich) aux guitares, Fursy Teyssier (Les Discrets) à la basse, Aline Deinert (Neun Welten) au violon et Christoph Kutzer (Remember Twilight) au violoncelle. Pour parfaire le rendu du son, Empyrium a même apporté ce soir un piano à queue sur scène afin de restituer toute l'intensité et la beauté des morceaux. Les musiciens vont jouer avec passion et humilité, totalement investis dans l'exécution lumineuse de la musique d'Empyrium.

Le concert débute avec le majestueux "The Days Before The Fall". Le son est très clair, chaque instrument est discernable. Le volume permet d'apprécier l'écoute sans protection auditive. Le public écoute le concert religieusement, si j'ose dire, avec le plus grand respect pour les musiciens, et applaudit avec ferveur entre les morceaux. Suit alors le mélancolique "The Franconian Woods in Winter's Silence". "Where at Night the Wood Grouse Plays" voit les trois guitares acoustiques s'entrelacer avec une remarquable finesse. "Heimwärts" nous rappelle à quel point l'album "Weiland" était emprunt d'un exaltation quasi mystique. Au chant murmuré, guttural, parfois hurlé de Schwadorf répond le chant lyrique, enflammé, de Thomas Helm. "Mourners", ce morceau déjà magnifique sur disque, restitue toute sa force en concert. Il démarre par un couple batterie/violon poignant, décolle avec un chant grogné prodigieux et atteint des sommets d'ardeur flamboyante. Le coeur est à nu. Empyrium enchaîne avec un dialogue piano/violon de toute beauté sur "Fossegrim" (c'est le premier des deux morceaux ce soir qui n'ont pas été joués lors des deux premiers concerts du groupe). Suit "Die Schwane im Schilf", qui est pour votre serviteur l'un des plus beaux morceaux d'Empyrium avec son chant soufflé et son ambiance terrifiante. Un modèle de musique exigeante, raffinée et libre. 

"Dead Winter Ways' nous donne un avant-goût du nouvel album "The Turn Of The Tides", prévu en 2014. Un grand cru en prévision tant ce morceau déborde de mélancolie et de beauté. Je l'ai eu en tête tout mon week-end à Berlin, nuit et jour. "Der Weiher", enregistré lors des sessions de l'album "Weiland" et sorti ensuite sur la compilation de 2006, confirme la grâce atteinte par les compositions d'Empyrium lors de l'enregistrement de cet album époustouflant. "Many Moons Ago" prouve toute l'étendue de la musicalité du groupe. Empyrium nous offre ensuite un morceau non seulement jamais joué en concert mais également jamais entendu. Il s'agit d'un autre extrait de leur prochain album, le morceau "With the Current Into Grey". La promesse d'un nouvel album de très haute tenue, tant ce morceau fusionne l'inventivité d'Empyrium et une accessibilité immédiate dès la première écoute. "Das Blau-Kristall'ne Kämmerlein" conclut la soirée en douceur sous les applaudissements nourris du public.

Le groupe n'a échangé que quelques sourires durant le concert. A la fin les musiciens se détendent, visages radieux, fiers et soulagés d'avoir réussi une fois de plus à rendre justice à la délicate musique d'Empyrium.

Entendre Empyrium en direct est un plaisir confondant. Au delà de la magnificence de la musique, c'est un régal d'observer les musiciens délivrer des notes sidérantes de beauté et installer tous ensemble une atmosphère stupéfiante d'originalité, d'émotions et de cohésion. Un moment insolite et rare.

Merci aux musiciens pour leur foi, au public pour son écoute recueillie, et aux organisateurs pour cette superbe soirée. 

Nota : j'étais tellement absorbé par l'écoute de la musique et la contemplation du jeu des musiciens (sans compter l'émerveillement devant le décor de l'église) que je n'ai pris aucune photo du concert d'Empyrium. Je me permets d'insérer dans ce post de superbes photos de la Passionskirche, issues du site http://www.akanthus.de/de/

* Setlist Empyrium :

1. The Days Before The Fall
2. The Franconian Woods in Winter's Silence
3. Where at Night the Wood Grouse Plays
4. Heimwärts
5. Mourners
6. Fossegrim
7. Die Schwäne im Schilf
8. Dead Winter Ways
9. Der Weiher

Encore:

1. Many Moons Ago
2. With the Current Into Grey
3. Das Blau-Kristall'ne Kämmerlein

Le morceau "Der Weiher" :